Le dilemme du carburant mixte
Procédez à des tests préalables avant d'investir massivement dans les carburants alternatifs pour votre parc automobile.
En mars de cette année, lors d'une conférence de presse conjointe, KAG Canada et Innovative Fuel Systems (IFS) ont annoncé que KAG Canada testait un camion lourd à double carburant hydrogène-diesel propulsé par la plateforme technologique multi-carburant (MFTP) brevetée d'IFS.
De plus, depuis plus de trois ans et demi, KAG Canada utilise ce même système MFTP avec du gaz naturel, ce qui a permis de réduire les émissions et de réaliser des économies moyennes de 15 % sur les coûts de carburant.
Le système MFTP est un dispositif de modernisation qui peut être utilisé sur les camions lourds pour permettre à un moteur diesel de réduire sa consommation de carburant diesel en combinant le diesel avec divers carburants à combustion plus propre, notamment le gaz naturel comprimé (GNC), le gaz naturel renouvelable (GNR), et comme mentionné ci-dessus, même l'hydrogène.
La longue histoire de KAG
Ce qui a débuté comme un petit parc de véhicules basé à Moose Jaw, en Saskatchewan, en 1964, a connu une croissance exponentielle au cours des 60 dernières années. Aujourd'hui, KAG Canada possède environ 1 200 tracteurs routiers et 2 700 remorques spécialisées, tous utilisés pour le transport de marchandises en vrac, explique Chris Chapman, vice-président des services de parc automobile chez KAG Canada.
Comme la plupart des entreprises, KAG se préoccupe de son empreinte carbone et de la nécessité de réduire sa consommation de carburant et ses coûts. Dans cette optique, l'entreprise expérimente avec des carburants alternatifs, ce qui l'a amenée à s'intéresser au système à double carburant d'IFS.
« Actuellement, nous avons six unités à double carburant, trois dans l'est du Canada et trois dans l'ouest canadien », précise M. Chapman. « Le système que nous utilisons est une adaptation des moteurs diesel existants, donc vous avez toujours du carburant diesel et vous utilisez toujours un moteur diesel. Vous ajoutez simplement un réservoir supplémentaire pour le gaz naturel. »
En ce qui concerne la modification proprement dite du camion, M. Chapman explique que les gestionnaires de parc de véhicules peuvent choisir soit de retirer l'un des réservoirs de diesel existants du camion et de le remplacer par un réservoir de gaz naturel, soit de conserver les deux réservoirs de diesel sur le camion et d'ajouter un réservoir de gaz naturel à l'arrière de la cabine.
Les débuts
L'expérience de KAG avec le gaz naturel a débuté en 2021. « Au départ, nous avions cinq camions, puis nous en avons ajouté un autre », raconte Chapman. IFS fournit à l'entreprise des ensembles de conversion qui sont installés sur chaque camion, et le responsable précise qu'il en a d'autres en commande, souhaitant munir plus de véhicules de cette technologie à double carburant.
« Nous avons mené à bien le projet pilote et démontré l'efficacité de la technologie », affirme-t-il. « Nous avons aussi établi que nous réaliserons des économies et que l'investissement est justifié en termes de coût total de possession. »
De plus, M. Chapman note que l'investissement dans cette technologie est rentable, indépendamment de l'obtention d'un soutien gouvernemental. Le seuil de rentabilité est atteint en environ deux à trois ans avec des subventions gouvernementales, contre cinq à six ans sans soutien externe.
« Nous conservons nos camions pendant environ cinq ou six ans avant de procéder à leur remplacement », précise-t-il. « Cette approche est particulièrement avantageuse puisque les ensembles d’IFS peuvent être démontés des véhicules lorsque nous souhaitons les revendre, puis réinstallés sur la nouvelle génération de camions. L'investissement initial dans ces ensembles étant déjà amorti, nous réalisons des économies intégrales sur le prochain parc de véhicules. »
Empreinte carbone vs réalité
Bien que M. Chapman admette que l'un des objectifs que KAG avait en tête en investissant dans cette technologie était de réduire l'empreinte carbone de l'entreprise, il note qu'on ne peut pas toujours aller de l'avant avec des technologies plus écologiques sans tenir compte de tous les facteurs.
« Même si la réduction de l'empreinte carbone demeure prioritaire », précise-t-il, « l'objectif est d'y parvenir sans affecter la capacité de charge ni la fiabilité opérationnelle. La dernière chose que vous voulez, c’est de transformer entièrement votre parc de véhicules pour qu'il fonctionne au gaz naturel ou à l'hydrogène, puis de découvrir que cette technologie est une impasse. Le résultat: un parc de camions devenu obsolète et inexploitable. »
KAG a d'abord opté pour des technologies à double carburant alliant diesel et GNC, une formule éprouvée et déployée depuis plusieurs années. L'association diesel-hydrogène, en revanche, présente des défis bien différents.
« Notre période d'essai avec l'hydrogène s'est déroulée de novembre dernier à mars de cette année », dit M. Chapman. « Notre intention était d'établir une comparaison avec le gaz naturel, d'en vérifier l'aspect pratique et de confirmer sa compatibilité avec nos opérations. »
Malgré des résultats techniques satisfaisants et une technologie fonctionnant conformément aux spécifications, KAG a conclu que ce n'était pas l'approche à double carburant qui leur convenait, du moins pas pour l'instant.
« Le coût de l'hydrogène représente un obstacle majeur », admet M. Chapman. « Son prix est quatre à cinq fois supérieur à celui du gaz naturel, ce qui prolonge considérablement la période d'amortissement de l'investissement. »
Les camions alimentés au GNC et à l'hydrogène ont tous deux très bien fonctionné, ajoute M. Chapman, et la charge utile était comparable. « Les deux ont fonctionné comme un camion commercial devrait le faire », ajoute-t-il. « Le problème était le manque de stations de ravitaillement en hydrogène et le fait qu'un ingénieur devait ravitailler les camions parce que les chauffeurs n'étaient pas autorisés à le faire eux-mêmes. »
La praticité était un enjeu majeur puisque les stations de ravitaillement en hydrogène sont très rares. En revanche, selon M. Chapman, le réseau d'approvisionnement en gaz naturel est bien meilleur et les chauffeurs peuvent remplir les réservoirs eux-mêmes.
Facilité d'utilisation
En ce qui concerne le mélange de diesel avec du gaz naturel, le processus ne pourrait pas être plus simple. Une fois les ensembles à double carburant installés, les chauffeurs n’ont qu’à faire le plein. Ils n'ont jamais besoin d'actionner un interrupteur et ne remarquent jamais de différence dans la façon dont les camions fonctionnent.
« Les chauffeurs reçoivent une formation spéciale sur la façon de faire le plein avec du GNC, autrement, c'est comme un camion normal », explique M. Chapman. « Le démarrage ne diffère pas d'un camion standard, la conduite reste familière, la puissance est conservée, et même le bruit du moteur en marche reste identique. »
La seule chose que les chauffeurs doivent garder à l'esprit est qu'ils doivent se souvenir de faire le plein correctement. « Il faut remplir ces camions avec du diesel et du gaz naturel », explique M. Chapman. « Si vous manquez de diesel, le camion s'arrête. Il ne fonctionnera pas au gaz naturel seul. Mais si vous manquez de gaz naturel, vous pouvez toujours rouler au diesel. »
M. Chapman souligne qu'il ne s'agit pas d'un moteur 100 % au gaz naturel. « C'est un moteur diesel avec du gaz naturel injecté dedans », dit-il. En d'autres termes, le diesel est mélangé avec le gaz naturel à l'intérieur de chaque cylindre, ce qui réduit la quantité de carburant diesel nécessaire.
La vision globale
En ce qui concerne la réduction de l'empreinte environnementale de l'entreprise, M. Chapman affirme qu'il a plusieurs projets en cours. Bien que l'installation de ces dispositifs à double carburant sur un camion représente un investissement de 60 000 à 80 000 $, il estime que la dépense est pleinement justifiée. « Nous avons déjà commandé d'autres ensembles pour le gaz naturel », précise-t-il, « ce qui confirme notre engagement dans cette direction. »
De plus, M. Chapman envisage d'autres sources de carburant diesel. « Nous allons nous associer à des compagnies pétrolières qui ont développé du carburant diesel à faible teneur en carbone », dit-il. « Combiner du carburant diesel à faible teneur en carbone avec du GNC devrait être un mélange intéressant. »
Il investit également dans des moyens de réduire la marche au ralenti, d'améliorer l'aérodynamisme et d'améliorer la résistance au roulement avec des pneus vérifiés SmartWay. « Tout cela fait partie de notre initiative ESG plus large », conclut M. Chapman, « et nous sommes fiers de toutes les mesures que nous prenons. »