Le marché et la stratégie de remplacement de véhicule
Nous avons demandé à des experts de la gestion de parc de véhicules de faire le point sur l’état du marché et d’offrir à nos gestionnaires des pistes de réflexion sur la stratégie à adopter pour en tirer le maximum pour leurs opérations.
Selon Rob Luba, directeur de la chaîne d’approvisionnement chez Holman, firme spécialisée dans les solutions pour la gestion des flottes, la disponibilité des véhicules de modèles 2025 pour les commandes par les parcs directement à l’usine est presque revenue à la normale sur le marché canadien. « Après plusieurs années de disponibilité limitée, l'accès aux modèles de flotte commandés en usine est enfin revenu aux niveaux d'avant la pandémie, avec de rares restrictions sur certains modèles », constate l’expert.
Il ajoute que l'achat de véhicules à partir de l’inventaire des concessionnaires devient plus facile et légèrement moins coûteux, à mesure que ces derniers recommencent à stocker des modèles spécifiquement destinés aux parcs. Cependant, il constate que l'offre de certains modèles reste limitée, et que les conditions macroéconomiques ont considérablement haussé la marge des concessionnaires, rendant ces unités plus coûteuses.
Alors que la chaîne d'approvisionnement continue de se rétablir, l'âge des véhicules et les cycles de remplacement commencent également à s'améliorer. Cependant, il est important de garder à l'esprit qu'il faudra probablement plusieurs cycles de commandes pour normaliser les temps de possession des véhicules, qui ont probablement été gravement perturbés par plusieurs années de disponibilité limitée de véhicules neufs, explique M. Luba. « Les gestionnaires de parc voudront développer une stratégie globale à long terme pour ramener leur flotte à des taux de remplacement optimaux au cours des prochaines années. Tenter de tout rattraper d'un coup entraînerait probablement des pics et des creux insoutenables dans les cycles des véhicules et les coûts d'exploitation dans les années suivantes. »
Bien que le stock des concessionnaires ait considérablement augmenté au cours des six derniers mois, et continuera de s'améliorer à l'approche de 2025, compter uniquement sur les inventaires des concessionnaires pour les acquisitions de véhicules n'est pas une stratégie recommandée par l’expert de Holman. « Les gestionnaires de parc devraient toujours privilégier les commandes d'usine et limiter les achats chez les concessionnaires uniquement aux situations d'urgence », conseille M. Luba.
Il continue de constater des augmentations de prix d'année en année chez la majorité des constructeurs automobiles. Heureusement, les rabais destinés aux parcs (concessions de prix, remises, etc.) augmentent aussi. « Les segments compétitifs, comme les camions légers, montraient des augmentations significatives des escomptes au volume au cours de l'année dernière, et ces augmentations devraient se poursuivre pour l'année modèle 2025 », mentionne le directeur de la chaîne d’approvisionnement chez Holman.
[caption id="attachment_419356" align="aligncenter" width="600"] L’introduction de véhicules électriques dans les flottes commerciales progresse lentement mais, inexorablement. Source : Pexels[/caption]
Pour sa part, Steve Aguzzi, responsable de la flotte commerciale chez Foss, remarque une hausse d’inventaire pour certains constructeurs de véhicules dans un marché qui reste néanmoins instable dans certains cas. « La demande de véhicules reste quand même assez élevée pour le remplacement de véhicules d’entreprise, ainsi que pour une introduction de véhicules électriques dans les parcs. Les conditions précédentes du marché ont fait en sorte qu’il y a une forte hausse de prix chez tous les constructeurs et pour être en mesure de prendre une décision d’entreprise de remplacements des véhicules, une analyse approfondie de coût doit être faite », explique-t-il.
Le choix de modèles de véhicules doit évidemment correspondre aux besoins de l’entreprise. Il existe de plus en plus d’options sur le marché pour différents types d’utilisations.
« Pour évaluer les besoins de votre parc de véhicules actuel, vous devez analyser les kilomètres parcourus, les modèles utilisés, les coûts en consommation de carburant et en entretiens. Un gestionnaire de parc automobile peut soutenir les gestionnaires avec l’information nécessaire et les démarches à entreprendre afin d’établir le meilleur choix possible selon le budget. Une entreprise telle que Foss peut les soutenir dans une telle démarche, avec une évaluation (TCO) Cout Total de possession des véhicules. De plus, pour établir si un véhicule doit être remplacé, le gestionnaire de parc doit juger de son âge, de sa condition et de sa capacité à répondre aux besoins, » mentionne M. Aguzzi.
Coût total de possession
Roger Constantin, de la firme Services Conseils RC, va dans la même direction que M. Aguzzi en insistant sur l’importance de bien connaître les besoins de l’entreprise en matière de véhicules. « Avant tout, le gestionnaire doit faire preuve d'un certain pragmatisme dans la recherche du meilleur véhicule, mentionne l’expert. Pour ce faire, il faut avant tout avoir une connaissance approfondie des besoins de son organisation pour cette catégorie d'actifs. C’est le cas particulièrement pour des flottes diversifiées ou celles ayant des besoins spécifiques. »
Il souligne qu’on ne gère pas de la même façon une flotte de véhicules similaires ( par exemple, les voitures de représentants) que des véhicules requérant des équipements spécialisés ( par exemple, les municipalités ). La durée de vie économique de l'actif est aussi à considérer. « On accorde plus d'attention aux actifs ayant une plus grande valeur. En effectuant une vigie des véhicules disponibles, on peut alors évaluer l'interchangeabilité des véhicules, mais aussi de la polyvalence possible. »
En fait, M. Constantin, avec ses années d’observation du secteur, constate que l’aspect financier est possiblement le facteur clé dans la gestion d'un parc. « Un gestionnaire qui est en mesure de justifier la durée de vie économique d'un véhicule (peu importe la catégorie) aura une écoute précieuse de la haute direction de son entreprise. Dans ce contexte, une analyse des coûts du cycle de vie (ACCV) s'avère un incontournable. Le défi sera d'avoir accès aux données requises pour faire ce genre d'analyse. L'intégrité des données étant au cœur de cet exercice. »
Le virage électrique
Nous avons demandé à Roger Constantin de nous parler de l’introduction des véhicules électriques dans les parcs : « L'engouement des premières années a répondu aux deux premières phases du cycle de vie d'un produit face aux consommateurs, soit les innovateurs et les adeptes précoces. Actuellement, je crois que nous sommes rendus à la majorité précoce. Cela se traduit aussi pour les gestionnaires de parc. La grande majorité des parcs font des expériences avec ce produit, certaines sont très avancées. »
Selon cet expert, ici encore, « l'enjeu est et sera toujours le coût, le fameux coût total de possession (CTP), mieux connu en anglais comme le Total cost of Ownership (TCO), il faudra considérer tous les coûts. L'apprentissage se fait à grande vitesse, ce qui semble évident aujourd'hui ne le sera pas nécessairement demain. »
Beaucoup de nouvelles viennent s'entrecroiser dans les médias en ce moment, rendant parfois une analyse objective difficile. « Cependant la transition est nécessaire et requise. Elle sera un peu plus sinueuse que prévu, mais on y arrivera. Il faut comprendre qu’il s’agit d'une révolution industrielle majeure pour les constructeurs automobiles. De plus, tout l'environnement géopolitique aura aussi une influence sur l'avancement de la technologie », évalue Roger Constantin.
Pour Steve Aguzzi de Foss, l'intégration des véhicules électriques dans le plan de remplacement peut générer des économies à long terme et des avantages en matière de durabilité. Les options de location, à crédit-bail ou court terme, restent viables en raison de leur flexibilité et de leurs coûts initiaux inférieurs. « Pour les besoins à long terme, court terme ou besoins spécifiques, une combinaison de véhicules, soit à essence, hybride et électrique, est selon moi une bonne stratégie pour améliorer les coûts d’opération ainsi et progresser dans les objectifs environnementaux de l’entreprise », souligne-t-il.
Rob Luba de Holman constate pour sa part que les constructeurs continuent d'introduire de nouvelles versions électriques de véhicules populaires auprès des parcs, la plupart des modèles de VE sont désormais disponibles pour les commandes d'usine dans plusieurs segments : camions légers (deux modèles disponibles avec un autre à venir cette année), fourgons pleine grandeur (trois modèles disponibles), VUS (plusieurs options pour cinq et sept passagers, beaucoup avec un coût d'acquisition inférieur à 50 000 $), etc.
Plusieurs constructeurs offrent également désormais des remises sur les véhicules électriques pour les achats de flotte. « Nous commençons à voir l'introduction de plusieurs modèles de VE rentables, offrant aux gestionnaires de parc des options adaptées à pratiquement toutes leurs applications, observe M. Luba. Nous continuons de voir un nombre croissant de clients adopter les VE, tandis que d'autres commencent la transition en achetant des hybrides rechargeables. »
Avec l'infrastructure publique de recharge encore assez limitée, la plupart des clients de l’entreprise que représente M. Luba cherchent à ajouter des voitures électriques, pouvant être rechargés au domicile du conducteur, ou des unités de VE qui gravitent autour d’un emplacement de recharge centralisé, permettant une recharge nocturne.
Savoir planifier
Les gestionnaires de parc sont généralement mieux servis en planifiant leurs remplacements de véhicules et en passant des commandes d'usine au début de l'année modèle, recommande Rob Luba. « Bien qu'aujourd'hui il n'y ait que peu ou pas de risque d'annulation des commandes (comme cela s'est souvent produit pendant la pandémie), il est toujours préférable d'être proactif et de voir longtemps à l'avance. »
De plus, selon lui, il est avantageux de contacter plusieurs constructeurs avec en main une vue d'ensemble du volume de commandes prévu pour maximiser les escomptes et les remises. Il est également important de garder à l'esprit que le gestionnaire peut souvent passer des commandes d'usine avec un programme de livraisons différées pour garantir que les véhicules soient livrés graduellement en fonction des besoins de l’entreprise et du remplacement des unités existantes.
En conclusion, Roger Constantin recommande aussi aux gestionnaires d’évaluer le modèle d'affaires Equiment as a Service ou en français, Équipement en tant que service, que certains constructeurs automobiles incluent dans leurs offres commerciales. Ce modèle d'affaires peut servir tant le constructeur que son client. Il est fondé fondamentalement sur une facturation à l'utilisation, comme Rolls Royce le fait pour ses moteurs. La compagnie aérienne cliente ne paye que pour les heures où le moteur est utilisé. Une piste à explorer.