Combattre les émissions par les électrons
L’Institut du véhicule innovant (IVI), basé à Saint-Jérôme, a récemment publié un rapport de synthèse qui met en lumière le potentiel d’électrification des poids lourds au Québec. Réalisée en collaboration avec le gouvernement provincial et Hydro-Québec, cette étude confirme que de nombreux camions de classe 6 à 8 pourraient d’ores et déjà passer aux électrons.
Toutefois, la transition n’est pas exempte de défis.
Les camions lourds, qui constituent seulement une fraction du parc automobile, génèrent 75 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) du secteur des transports. En 2021, ils cumulaient 42,6 % des émissions totales de la Belle Province. Malheureusement, sur les 107 658 camions lourds (toutes catégories confondues) recensés en 2024, seuls 493 font appel à l'électricité pour se mouvoir. Pourtant, le potentiel est là : 44 % de ces véhicules se déplacent quotidiennement dans un rayon d’action inférieur à 160 km de leur port d’attache, un scénario idéal pour une transition, tandis qu’à peine 5 % d’entre eux effectuent de longs trajets.
Un avenir prometteur
Le projet pilote de l’IVI, qui s’est déroulé de 2021 à 2024, a permis de tester cinq camions électriques dans diverses configurations. Ils ont parcouru en moyenne 146 km par jour (la plus grande distance en une journée s’élevait à 302 km), principalement en milieu urbain, avec un retour à leur base chaque soir. Les résultats montrent que plus de la moitié (57 %) des porteurs (classes 6 et 7) pourraient amorcer le virage sans délai. En revanche, pour les tracteurs routiers de classe 8, seulement 27 % des scénarios analysés se révèlent viables. Au même titre que pour les transports lourds et forestiers, leurs besoins énergétiques dépassent les capacités actuelles des batteries.
Le rapport souligne que plusieurs facteurs influencent la performance des camions électriques, à commencer par la masse du véhicule. La variation est plus marquée avec les tracteurs où chaque tonne additionnelle fait grimper la consommation de 4 à 5 kWh/h. Entraînant un poids supplémentaire, les batteries réduisent également la capacité de chargement totale : jusqu’à 8 % pour un tracteur routier et 23 % pour un porteur. La température, la vitesse élevée (sur autoroute) ou trop basse (moins de 15 km/h), ainsi que les routes au dénivelé prononcé (ce facteur s’avère plus significatif pour les camions lourdement remplis) augmentent la demande énergétique.
Les essais ont aussi démontré qu’une borne de 50 kW suffit généralement pour renflouer un camion en une nuit. Pour les porteurs, une puissance de 25 kW peut convenir amplement. Le recours à une unité plus généreuse réduit, certes, le temps requis pour l’opération, mais elle majore considérablement les coûts, limitant les économies potentielles.
Critères favorables
Certains paramètres facilitent la transition énergétique, l’électrification étant plus adaptée à des trajets pendulaires urbains ou périurbains qui avoisinent les 200 kilomètres, avec un retour au terminal en fin de journée. Elle convient également mieux aux chargements légers (moins de 9 000 kg pour les tracteurs), aux véhicules opérant sur un seul quart de travail et à ceux roulant principalement à des vitesses modérées (avec une moyenne de 25 à 30 km/h).
Le document met en lumière le potentiel d’électrification du parc de camions lourds au Québec. Si elle n’est pas une solution universelle, cette technologie peut abaisser de façon significative les émissions de GES pour une large portion des flottes actuelles. Les gestionnaires doivent s’assurer d’évaluer minutieusement leurs besoins pour déterminer si cette avenue est une option viable. La formation et l’éducation des utilisateurs à ce mode de transport, ainsi que l’écoconduite, contribueront, par la suite, à optimiser la consommation tout en réduisant les coûts opérationnels. Mais pour que l’investissement soit rentable, les subventions (allouées par les deux paliers gouvernementaux) demeurent indispensables selon l’IVI.