Claude Boucher, l’homme de mots avec les camions dans le sang

Juriste, journaliste et traducteur, mais aussi passionné de camionnage, l’ancien directeur de l’information de Transport Magazine et nouveau rédacteur pour Flottes & Mobilité, publié par le groupe Autosphere Média, partage avec nous son parcours atypique et sa vision d’une industrie en pleine transformation.
Claude Boucher a longtemps ressenti une grande dichotomie entre son côté intellectuel et son côté terre-à-terre, les mains sur le volant d’un camion. Il faut dire que dès qu’il a su marcher, il suivait souvent son père, qui dirigeait un concessionnaire de camions lourds.
« Le garage de mon père était en quelque sorte au centre de ma vie, car en plus d’y aller pendant mes congés, on y organisait tous les événements possibles, de la réunion de famille à la fête des employés à Noël », raconte celui qui, à la fin de l’adolescence, a travaillé sur place comme commis comptable et représentant aux ventes.
Quand le camionnage vous hante
De son propre aveu, le jeune Claude Boucher était encore trop frivole pour s’investir durablement dans l’entreprise dirigée par son père. Il s’est donc orienté vers des études en droit, et il a réussi ses examens du Barreau en 1990… tout en travaillant à temps partiel, à titre de coordonnateur des ventes, pour un autre concessionnaire de camions. Mais une fois devenu avocat, il aurait pu oublier son amour des poids lourds.
« J’ai bien essayé de le faire pendant quatre ans, mais je n’aimais pas ma profession, confie-t-il. Alors, j’ai tout laissé tomber et me suis redirigé vers le journalisme, qui m’a tout de suite plu. Ce qui ne m’a pas empêché, au début, d’arrondir mes fins de mois en allant chercher des camions échangés entre différents concessionnaires. C’était vraiment mon petit plaisir coupable, de conduire ces grosses machines, par exemple entre Winnipeg et Montréal. »
Tiraillé, le jeune journaliste a continué à l’être après avoir décroché un poste de reporter pour Radio-Canada à Windsor… la capitale canadienne de l’automobile.
« Envers et contre moi, le domaine des transports me suivait, ha ha ! » s’esclaffe M. Boucher, qui a évidemment consacré à ce sujet de nombreux reportages à l’époque. Eh bien, malgré tous ces signes plutôt manifestes, le journaliste est quand même revenu à Montréal après trois ans, puis est parti pour trois ans au Guatemala pour œuvrer en coopération internationale.
« Et c’est là, à mon retour en 2004, que tout a réellement commencé », indique-t-il.
Sous-titre : 20 ans de carrière dans l’industrie
Jusqu’à son arrivée, un peu par hasard grâce à l’introduction d’un ami de son père, au sein du Transport Magazine, Claude Boucher n’avait jamais vraiment pu concilier son amour pour les mots et celui qu’il vouait au camionnage. Mais en 2005, en l’espace de quelques mois, il est passé de journaliste à directeur de ce média. Il était enfin sur son X.
« Le petit gars épris de camions en moi a pu assumer sa passion, dit-il. J’ai également réalisé à ce poste le caractère universel des camions, qui sont partout, de la petite fourgonnette d’UPS au camion de déneigement, en passant par le transport de marchandises. Toutes les industries y sont liées, et je dirais même toutes les familles, car on connaît tous un frère ou un cousin qui travaille dans le domaine des transports. J’avais donc à cœur de donner la parole aux personnes, souvent dans l’ombre et mal perçues, qui évoluent dans ce secteur. »
En l’espace de 20 ans, ce fin observateur des transports a assisté à des changements majeurs dans une industrie auparavant conservatrice. Que ce soit en matière de présence féminine – « Elles ne sont plus cantonnées au bureau. On croise de plus en plus de camionneuses et de cheffes d’entreprises », remarque-t-il –, ou bien d’avancées technologiques, notamment en matière de pollution environnementale, l’univers du camionnage s’est transformé en profondeur.
« C’est fini, les traces de suie noire sur les remorques et les véhicules peu aérodynamiques. Maintenant, les modèles de camions et les normes auxquelles ils sont soumis font en sorte qu’ils n’ont rien à envier aux voitures. Donc, quand j’entends parler des méchants camions polluants, alors qu’ils sont utilitaires et constituent un service essentiel, ça me fâche », explique-t-il.
Nouveau mandat, nouveaux défis
Après 20 ans à la rédaction de Transport Magazine, Claude Boucher a plié bagage à l’automne 2024, lorsque le média a changé de propriétaire. Et une fois encore, il pensait dire au revoir au camionnage, jusqu’à ce que la direction d’Autosphere le contacte pour un nouveau projet qu’il ne pouvait refuser.
« J’ai embarqué comme rédacteur pour Flottes&Mobilité, parce que je suis toujours intéressé par le milieu des transports, où je compte beaucoup d’amis. Et je crois que dans ce nouveau magazine, nous pourrons apporter notre couleur, notre vision des choses. C’est une nouvelle aventure très excitante ! », lance-t-il.
Quels seront les dossiers à surveiller, selon lui ? Les nouveaux modèles de camions, évidemment, notamment ceux qui sont dotés de moteurs électriques, au biogaz ou à l’hydrogène. En raison de la guerre tarifaire avec les États-Unis, il faudra aussi selon lui surveiller comment évolue le système des transports canadien, dont une grande partie des activités est concentrée au sud de notre frontière.
« Et la conduite autonome, Claude, qu’en pensez-vous ? », lui demandons-nous en terminant. « Je pense qu’il pourrait s’agir un jour d’une solution pour certains transports longues distances, sur des routes assez larges et dont les sorties mènent directement à des parcs industriels, répond-il. Cependant, au Québec, avec nos routes et notre climat nordique, je n’y crois pas à court terme. Je serais même très surpris que des camions autonomes remplacent de mon vivant des chauffeurs. Mais je peux toujours me tromper, car il y a encore 10 ans, on pensait que les camions électriques étaient seulement des projets scientifiques d’étudiants en génie, alors que c’est désormais un des sujets de l’heure. Bref, on verra bien ! »